La rue principale d’Ikebukuro. Il paraissait à Michaël que cela faisait une éternité, maintenant, qu’il n’avait plus remit les pieds ici. En soit, c’était faux, bien entendu. Il passait par là tous les jours, au moins trois fois minimum. Le truc avec cet endroit, c’est que la population y grouille tellement que d’un moment à l’autre, vous pouvez avoir la sensation d’être dans un univers totalement différent selon si vous avez tournez à gauche ou à droite au dernier carrefour. Mais l’expatrié n’en fit pas cas, ce n’était pas comme s’il n’était pas habitué à ce genre de mutation quasi-permanente de cette cité où il résidait depuis presque dix ans maintenant. En une décennie, il avait eu le temps de s’y faire. Heureusement d’ailleurs, car dans une telle jungle, mieux vaut savoir se débrouiller seul et s’adapter au moindre changement si l’on veut espérer y survivre car dans le cas contraire… nombre de prédateurs tous plus rusés et malsains les uns que les autres, sauraient vous attirer dans leurs toiles et là, s’en serait finit de vous.

Pendant un temps plus ou moins court, là aussi. C’est peut-être là le seul avantage qu’il puisse y avoir, d’ailleurs. Décidément, l’aléatoire rend parfois de drôle de service, sans même s’en rendre compte en plus de ça, probablement.

Le franco-britannique essayait tant bien que mal de se fondre parmi la foule, mais ceci n’était en rien une mince affaire. En effet, lorsqu’on dépasse la plupart de la population nippone de près d’une tête et demi, on a du mal à se faire discret. Et pourtant, c’est bien là ce qu’il aurait voulu, là, maintenant, tout de suite. Et ce, pour deux… non, trois raisons précises.

La première, il ne voulait pas ses supposées fans le reconnaissent et ne se mettent a le stalker comme pas permis pour tenter d’avoir un petit quelque chose avec lui. Merci, mais la groupie en furie, il avait déjà donné la semaine précédente à Tokyo et très honnêtement, il ne se voyait franchement pas remettre le couvert de sitôt. Monsieur avait besoin de sa dose d’asociabilité de temps en temps. Ironique, lorsqu’on le voyait au centre de cette marée humaine qui ne désemplissait pas malgré l’heure qui avançait toujours sur les cadrans des montres. Ensuite, il voulait aussi éviter que son agent miniature, cette fichue teigne, lui mette le grappin dessus. Ce soir il s’était préparé et avait planqué son poulpe et son chat chez lui, au cas où. Des fois qu’elle soit assez fourbe pour s’introduire chez lui, il avait placé des pièges artisanaux, en plus. Puérils, certes, mais quand on a affaire à une gamine, on fait avec ce qu’on a sous la main et puis c’est tout. Bon, au fond il l’aimait bien. Très au fond. Mais elle pouvait toujours courir pour qu’il le lui dise, cela allait de soi. Question de fierté mal placée, sans doute.

Ensuite vient la dernière et ultime raison de sa présence ici. Les écharpes jaunes. Depuis la mort de sa mère et de sa sœur, le Riddle n’avait de cesse de poursuivre ce genre d’individus perfides et sournois. Mais souvent sans grand résultat à part une pluie de mandales entre deux yeux, bien entendu. On combat le feu par le feu, après tout.

Capuche ramenée sur sa tête et bonnet noir vissé sur le crâne pour cacher ses reconnaissables cheveux roses, l’étranger ne fit même pas attention à la pauvre fille a côté de qui il passait tel un courant d’air en franchissant une ruelle. En revanche, lorsqu’il sorti de ladite ruelle, il se fit percuter par deux bonhommes, aux airs de roquets mal dressés. Ces derniers le fusillèrent d’une paire de regards courroucés par une palpable contrariété.

« Mais qu’est-ce que tu fous dans notre chemin, abruti ?! Tu vois pas qu’on a des trucs à régler avec la fille dans ton dos ?! »
Surprit, l’expatrié jeta un coup d’œil en arrière et constata qu’effectivement, non loin de lui se trouvait une jeune fille bien frêle. Il mâchonna un bref « Elle ? » avant d’obtenir confirmation par les individus discourtois et il lui parut évidemment qu’elle ne ferait pas le poids face à de tels colosses. Hors, Michaël détestait l’inégalité. Et encore plus la violence envers les femmes. Alors, affichant son plus beau sourire, il fit craquer audiblement ses phalanges et déclarât :

« Mais bien sur très chers, je vais vous laisser passer de suite ~
-Tu te fous de nous, c’est ça ?!
- Si peu, si peu… »

Et bim, un crochet de droit dans la mâchoire pour le premier et un coup de boule pour le second. Et hop, K.O technique, les deux gisaient sur le sol en marmonnant d’étranges phrases incohérentes. Ça, c’était du travail rondement mené, au monde. Les passants ne firent bientôt plus attention aux deux manants –il fallait dire que ce genre de scène étaient monnaie courante par ici- et Michaël subtilisa la portefeuille de l’un des deux assommés avant de se diriger vers la demoiselle a qui y venait de sauver la mise et déclarât, sur un ton monocorde et pas le moins du monde empli de sympathie :

« C’t’a toi . »

Le coup de tête qu’il avait mis à l’un des agresseurs avait fait retomber son bonnet ainsi que sa capuche en arrière. Il apparaissait maintenant à visage découvert.
Oups…